Pino Micol s'est intéressé et a joué Cyrano dès 1977. A l'occasion de la reprise en 1997 de sa mise en scène par Pierre Santini, Danièle Dumas de L'avant-Scène a rencontré les deux comédiens. Entretien croisé.
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Cette affiche est celle de la production de 1996
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Quelles mises en scènes de Cyrano de Bergerac connaissiez-vous ?
Pino Micol
Je n'avais jamais vu
Cyrano de Bergerac. Quand, en Italie, Gino Cervi l'avait joué, 35 ans auparavant, j'étais trop jeune. Mais j'ai lu le texte en italien, puis en français, et j'ai senti la possibilité d'enrichir la traduction existante. J'ai demandé une nouvelle traduction, en prose, à mon ami Maurizio Scaparro. Et cette adaptation, je l'ai jouée en 1977. Maurizio Scaparro avait aussi fait la mise en scène, et j'ai joué
Cyrano pendant deux saisons.
Après dix-neuf ans, j'ai décidé de recommencer l'aventure. Cette fois, je mets en scène, Cyrano est devenu mon fils.Ici, j'établis le passage du travail de Maurizio Scaparro et du mien auprès de Pierre Santini. [?] A la mise en scène de Pierre, à l'âme de Pierre, s'ajoute la part de l'âme de mon Cyrano, et comme dans le même temps, je reprends le rôle en Italie, avec ma compagnie, je vais me servir de ce que Pierre peut m'apporter, pour enrichir toujours le personnage. C'est un échange culturel franco-italien, c'est presque un mariage entre deux comédiens.
Qu'est-ce qui vous attire tant dans ce personnage ?
Pino Micol
C'est le côté « anarchiste romantique » qui me plaît dans Cyrano. [?] Mon Cyrano était romantique un peu par obligation, mais il est surtout un révolté contre la stupidité, la banalité, contre les comportements obligés, dictés par la société, contre l'utilisation que les gens en place font de leur pouvoir.
Pierre Santini
Je suis complètement d'accord avec le côté rebelle de Cyrano, mais rebelle dans ce sens qu'il se révolte contre un certain nombre de malfaçons de notre société, le mensonge, l'arrivisme, les compromis, les préjugés, les lâchetés, la sottise. Il ne profite pas de cette société et des quelques avantages qu'elle pourrait lui proposer, parce qu'il a une éthique, une ligne de conduite, mais, il joue quand même le jeu social, puisqu'il est militaire, qu'il va à la guerre, c'est un homme qui n'est pas marginalisé, il combat de l'intérieur. Mais je suis aussi sensible au côté romantique de l'histoire d'amour. [?]
On dit qu'en Italie vous avez eu un public extrêmement jeune, alors qu'en France, certains critiques trouvent votre mise en scène datée.
Pino Micol
Il est vrai que j'ai eu une grande surprise, car en Italie, le Théâtre est quasiment abandonné. Or, ma mise en scène attire plutôt les jeunes, et au Piccolo Teatro de Milan, les jeunes ont applaudi ce
Cyrano comme une star de rock. [?] Il est vrai que les jeunes aiment à dire « non », comme Cyrano, [?]. Le « non merci » du personnage est peut-être mieux perçu par les personnes plus âgées, qui eux, hélas ! ont oublié de dire non merci » aux pouvoirs en place. Tous les spectateurs, finalement, se laissent entraîner, gagner par le climat d'émotion et la victoire est double. [?]
L'Avant-Scène n°1013, 1er juillet 1997 ; consacré Ã
Cyrano de Bergerac, mise en scène de Pico Micol ; pp.85-89