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Sur scènes et sur écrans

2003 - Roberto Alagna

Opéra - Montpellier - Disponible en DVD

C'est une vraie curiosité. Cet opéra, crée en 1936 en Italie a été peu joué ? il exige des moyens importants, et sa musique n'est plus très à la mode. Elle surprend les oreilles peu familières des compositeurs du début du 20è siècle et, pour ma part, c'est à la deuxième audition que j'ai profité le mieux.


Une vraie curiosité, oui, car la version enregistrée à Montpellier reprend l'intégralité de la partition de Franco Alfano, qui n'avait pas été jouée en entier à la création, et avec le livret d'Henri Cain, respectueux du texte même si l'on peut regretter d'importantes coupures, quelques fois malheureuses, qui nous font buter dans nos tentatives d'accompagner les chanteurs.



Les chanteurs nous emportent sur leurs notes, les décors sont superbes, les costumes éclatent de couleurs et l'émotion est bien là quand il le faut. Allez, ne boudons pas notre plaisir, c'est à un beau et généreux Cyrano que l'on assiste.



Et soyons reconnaissant à la famille Alagna (outre Roberto dans le rôle titre, on retrouve ses frères David et Frédérico à la mise en scène et aux décors), de nous offrir ce nouveau voyage à la découverte de notre héros. Depuis le temps que l'on connaissait cet opéra, il fallait bien un jour le voir et l'entendre. Hé bien, c'est fait et je recommande d'investir quelques euros dans ce DVD, ce serait dommage de passer à côté de ce Cyrano-là.



Thomas Sertillanges

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Roberto Alagna : superbe Cyrano

Interview de Roberto Alagna

Nicolas Blanmont, La Libre Belgique, 26 March 2005




Le ténor français s'est battu pour monter une oeuvre oubliée : le Cyrano de Bergerac de Franco Alfano, adaptation de 1935. Une révélation superbe.



«J'ai souvent joué à Cyrano: cela faisait partie de mes héros favoris, Zorro pour le côté masque, Robin des Bois pour le costume et les épées, Cyrano pour le côté homme complexé et en même temps admirable en tout, Don Quichotte pour le rêve et cette envie d'aller plus loin... Tous ces personnages, c'est un peu Roberto Alagna. Alors, quand j'ai découvert la partition de l'opéra d'Alfano, j'ai quasiment crié au miracle parce que j'ai toujours rêvé de cette oeuvre et que je me disais "Quel dommage qu'il n'y ait pas eu un compositeur qui ait pensé à confier ce rôle à un ténor". J'ai versé ma petite larme parce que je trouvais la musique absolument sublime, et je me suis battu pendant sept ans pour le monter. Placido Domingo, lui, a essayé de le monter pendant dix ans! Et ce n'est que maintenant (en mai prochain NdlR) qu'il va le monter au Met. »



Pourquoi cet ostracisme ?

« Parce que Alfano a souvent été considéré simplement comme l'élève de Puccini, et comme un musicien médiocre. C'est un peu la faute de Toscanini aussi: quand il a arrêté en plein milieu le final de Turandot en disant : ici s'arrête la musique de Puccini. Il a fait un tort énorme à Alfano. Dont l'attitude sous le fascisme n'a rien arrangé. Enfin, Alfano était à la fois Italien et Français, mais en France sa musique était considérée comme trop italienne, alors qu'en Italie on la jugeait trop française. Mais pour moi, Cyrano c'est un chef-d'oeuvre.



Allez-vous monter l'ouvrage sur scène à présent ?

Idéalement, je suis prêt à le monter partout où on me le propose, mais j'attendais d'avoir le DVD pour le montrer aux directeurs d'opéra. La saison prochaine, nous le referons déjà à Montpellier. La captation du DVD a été faite à Montpellier, mais c'était pendant la grève des intermittents, et le festival a été annulé. On n'a pas pu avoir un vrai public dans la salle, sauf pour l'entrée de Cyrano au début, et c'était déjà miraculeux qu'ils nous aient permis de filmer.



C'est le rôle de ma vie: je n'en trouverai jamais un autre aussi beau pour moi. S'il ne m'en restait qu'un, ce serait celui-là. Je n'ai jamais été aussi bouleversé par un rôle: quand nous étions en répétition, c'était la canicule, nous étions en short, moi j'avais toujours mon faux nez - je voulais m'y habituer, notamment parce que cela change les résonances de la voix - et je ne pouvais pas faire la fin, lire la lettre de Roxane, parce que je tombais en larmes. Vous savez, Monsieur Mortier est venu, je lui ai montré et il a versé sa petite larme ! »



L'opéra est plus dramatique que la pièce de Rostand. Il y manque par exemple la tirade du nez...

« C'est parce qu'on va à l'essentiel. La tirade du nez ne manque pas parce que l'histoire du nez est suffisamment suggérée au début: on a compris, on n'a pas besoin d'en faire tout un plat. Dans la pièce, il n'y a pas de musique, alors la tirade du nez sert de musique: mais dans l'opéra, ce n'est plus nécessaire. On n'a pas non plus la scène "tombé de la lune", ni le capucin, mais c'est justement cette concision qui fait la force de l'opéra d'Alfano: l'intensité ne tombe jamais, alors que dans la pièce il y a quelques longueurs. Grâce à la musique, c'est même plus fort que la pièce, cela va plus loin dans le sentiment. Quand vous pensez que Alfano lui-même n'a jamais entendu cette version originale ! Pour la création en 1936, il a été obligé de retravailler l'oeuvre pour en faire quelque chose de plus italianisant. Dans la scène du balcon, on a enlevé certaines phrases de Cyrano parce qu'elles étaient trop difficiles et on les a attribuées à Roxane: tout était dénaturé ! Nous avons travaillé sur le manuscrit, et avons tout rétabli: dans notre version, il n'y a pas un mot qui ne soit pas de Rostand. Il a même fallu convaincre les ayants droit, qui pensaient que la dernière version correspondait à la volonté réelle de Alfano, ce qui n'est pas le cas ».



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La critique de Jean-Charles Hoffelé

C'est José Luccioni, déjà dans l'original français, qui avait crée le 29 mai 1936 à l'Opéra comique ce Cyrano de Bergerac où Franco Alfano mit tout son art d'orchestrateur et sa resplendissante invention mélodique. Roberto Alagna relève le gant, mieux il permet à une ?uvre majeure de se réinscrire dans le paysage de l'opéra français de l'entre deux guerres. Bretteur invétéré, amant malheureux et valeureux, Cyrano avait tout pour séduire le ténor français, qui le lui rend bien : incarnation tour à tour brillante et touchante, où Alagna, en voix de gloire, met tout son art de comédien.



Le spectacle connut les heurts de la grève des intermittents, mais René Koering parvint à rassembler ses forces montpellierennes pour une unique soirée. Tout fut donc capté sur l'instant, par des caméras Luma immergées dans le spectacle et dans la salle. George Blume réalisa un vrai film d'opéra dans le théâtre. On n'avait pas vu cela depuis la Zauberflöte de Bergman et à l'exemple de celle-ci, Cyrano est une parfaite réussite, avec ses décors de studio, et son ambiance qui sent bon les planches.



Distribution formidable, où brille la relève des barytons français, Barrard, Ferrari, Dolié décidément épatants, tous emmenés par le De Quiche suprêmement élégant de Rivenq, jusqu'à Richard Troxell qui surveille son français pour camper un Christian attachant. Et Roxanne ? Il faudra suivre Nathalie Manfrino, son timbre laiteux, sa diction exemplaire la destinent tout naturellement à Mélisande. Dans la fosse, Marco Guidarini fait généreusement sonner l'orchestre diatonique d'Alfano, ne couvrant jamais les voix sans renoncer aux formidables pouvoirs évocateurs d'une partition qui mérite de reprendre sa place au répertoire. Après l'avoir entendue, qui voudrait l'oublier ?



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La critique de Sylvain Fort sur Forum Opéra

Lyrisme ardent et grands sentiments prédestinaient le Cyrano de Rostand aux scènes d'opéra. Alfano s'y colla, aidé de Henri Cain ( comparse de Massenet) - conservant, avec coupures, le texte de Rostand. Grande première à Rome, en 1936, en italien, Serafin dirigeant. Au disque étaient disponibles deux versions exotiques. Cette captation a plusieurs mérites : une distribution idiomatique, une vraie séduction visuelle, et la réintégration de la scène du balcon - bravo ! L'oeuvre même n'est pas convaincante pour autant. Luxuriance orchestrale et parlando post-debussyste font songer à Korngold, à Schreker. Eux toutefois faisaient chanter des livrets imprégnés de poisons rares et de parfums fanés. Quoi de plus robuste au contraire, de plus sain, de plus délibérément archaïque que Cyrano ? Raffinements harmoniques et arabesques mélodiques font se déliter la bravoure ; la verve s'étiole. Scène du balcon et scène du camp laissent espérer quelque lyrisme plein et épanoui ; on entend une fanfare, pire : des flon-flon. Les mêmes défiguraient le finale de Turandot. N'est pas Puccini qui veut. Les scènes plus intimes sont mieux venues, guère mieux inspirées. La mort de Cyrano est agitée plus qu'intense ; une navrante faute de scansion l'entache (souvenir de pennacchio mio, le e muet de "pana-che" sonne et tombe à faux). Marco Guidarini, geste nerveux, fait ce qu'il peut avec ce qu'il a ; il semble un peu débordé.



Le vrai prix de ce DVD, c'est finalement la performance de Roberto Alagna. Le rôle est écrasant. A le regarder, on croit voir renaître Sorano - malice, courage, ironie. La déclamation est impeccable et suggestive. Elle suscite un regret amer : qu'il y ait de la musique pour briser l'envol du vers. Qu'on lui donne Chaillot ! Et puis, manquent des scènes truculentes où son ardeur eût fait merveille. Domingo va reprendre le rôle au Met. Il a flairé l'aubaine. ce n'est guère se hasarder que gager qu'il n'aura ni cette fougue, ni, à fleur de mots, cette poésie. Ni, certainement, de tels partenaires : Rivenq, de Guiche altier, carnassier, charmeur ; Ferrari, Carbon batailleur ; Barrard, Ragueneau chaleureux ; Troxell, Christian éperdu; et Nathalie Manfrino, sourire lumineux éclairant une idéale blondeur. Et comme ils chantent ! Comme ils disent ! On en oublierait le grillage morne et torsadé de la rhétorique alfanienne.



Conçus par les frères Alagna, décors et jeux d'acteurs - riches étoffes, regards millimétrés - ravissent. Ils sont captés au plus juste par une technique empruntée aux concerts de rock et aux meetings sportifs : steady cam et bras télécommandés, permettant plan rapprochés, balayages larges, travellings vertigineux. La variété visuelle et la proximité dramatique sont saisissantes ; cela devrait inspirer les tenants de la caméra sur trépied. Bonus insignifiants. Alagna y apparaît en casquette bouffante, short et marcel - mais c'est vocalement qu'il a ses élégances.



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Alagna : « Je suis comme Cyrano, je me bats »

Entretien publié le vendredi 10 mars 2006 dans Le Midi Libre



Après six mois d'absence des plateaux, la star des ténors remonte sur scène, jeudi prochain, à Montpellier, avec ''Cyrano de Bergerac''.



Jouera, jouera pas ? Le public s'est inquiété de votre état de santé ces dernières semaines. Vos soucis sont-ils maintenant de vieux souvenirs ?

Moi aussi, je me suis inquiété. Mais ce n'est pas encore un vieux souvenir. Il faut que je fasse attention. Je me fatigue très très vitet. Je fais de l'hyper insuline, le contraire du diabète. Je peux faire des hypoglycémies. Vous imaginez dans le rôle de Cyrano, exigeant physiquement. Quand le physique ne tient plus, la voix ne suit plus non plus. Mais les répétitions d'aujourd'hui étaient formidables. Je suis comme Cyrano, je me bats. Ca fait six mois que je n'ai pas fait d'opéra. Je crois que ce rôle est le bon.



A quoi avez-vous pensé pendant ces six mois d'absence ?

J'ai déprimé, un peu, surtout pour moi qui suis un hyperactif. Ces vingt dernières années, je n'ai pas pris de vacances. Heureusement que j'ai enregistré le disque où je chante Luis Mariano. Ce projet m'a permis de travailler et d'être occupé. Sinon, je crois que j'aurais fait une déprime.



Et maintenant, vous redémarrez avec un marathon.

Mais l'opéra, c'est ma vie. Je joue trois fois Cyrano à Montpellier, puis une tournée au Japon avec le Trouvère, un récital de nouveau à Montpellier avec des airs d'opéra. J'espère que le physique va revenir. Mais le plus malheureux, c'est moi.



Qu'est-ce que ''Cyrano'' réclame pour vous ?

Oh la la ! C'est une oeuvre très difficile, peut-être la plus exigeante. Pour l'interprétation comme pour le chant, Cyrano est une pièce semée d'embûches. En particulier le duel où il faut donner l'aisance d'un escrimeur dans un air avec des sauts d'octaves très difficiles... Cet opéra est délicat à gérer parce qu'il faut être un ténor dramatique, puis un ténor de caractère, puis un peu léger, puis très grave...



A mon avis, c'est le rôle le plus complet et le plus compliqué. Déjà pour un acteur, alors vous imaginez, pour un chanteur... Ce sont peut-être les raisons pour lesquelles cette oeuvre n'a pas été donnée souvent.



''Cyrano était-il un défi qui vous tenait particulièrement à coeur ? Oui. Et puis, c'est le personnage qui m'habite depuis mon enfance. Il m'a toujours tourmenté parce que je suis un peu Cyrano moi-même. Il a le complexe de son nez. En fait, chacun de nous a des complexes cachés. Cyrano se trouve moche mais, en fait, il a un succès monstre parce qu'il a cet esprit, il a de l'humour, il a tous les talents. Il le dit d'ailleurs : « J'ai décidé d'être admirable en tout. »



Midi Libre n° 22047



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Opéra en 5 actes de Franco Alfano

Livret de Henri Cain, d'après Edmond Rostand



Choeur et orchestre National de Montpellier

Direction Marco Guidarini

Mise en scène et décors David Alagna et Frédérico Alagna



Roberto Alagna, ténor : Cyrano

Nathalie Manfrido, soprano : Roxane

Richard Troxell, ténor : Christian

Nicolas Rivenq, baryton : De Guiche

Marc Barrard : Ragueneau

Frank Ferrari : Valvert / Carbon



Réalisation : George Blume

1 DVD Deutsche Grammophon 982 707-4





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Publié le 22 / 04 / 2005.


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