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1931 - Sadandji - JAPON
Tokyo - Théâtre Impérail
Roxane jouée par un homme, ça, c'est nouveau ! Mais pas si étonnant ; nous sommes au Japon et la tradition l'exige.
Pour la première fois, on a représenté à Tokyo, au Théâtre Impérial, le chef d'?uvre d'Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac. La pièce avait été traduite en japonais par un professeur de l'Université impériale, M. Tatsuno, mais, jusqu'ici, la mise en scène en avait paru irréalisable, en raison notamment de certaines difficultés techniques d'interprétation. En effet, la tradition du théâtre japonais veut que les rôles de femmes soient confiés à des acteurs. En outre Cyrano exige une multiplicité de décors très caractéristiques d'un monde et d'une époque totalement étrangers à l'ensemble du public japonais. Malgré ces obstacles, on avait, il y a quelques années, essayé de donner sur une grande scène de Tokyo, dans des costumes et un cadre purement japonais, une transposition de la pièce de Rostand, mais c'était une chose bien infidèle qui défigurait cette comédie héroïque et modifiait sensiblement le sens et la portée que notre grand poète avait voulu lui donner.
L'expérience que vient de tenter le théâtre Impérial avec le concours des grands acteurs Sadandji et Shôtchô a démontré que le rôle de Cyrano pouvait parfaitement plaire au tempérament japonais et que l'on aurait eu tort de ne pas faire confiance à l'habilité technique des metteurs en scène de Tokyo. L'action, soutenue par une troupe nombreuse et bien entraînée, s'est déroulée dans un cadre approprié et pittoresque dont les moindres détails avaient été soigneusement étudiés.
L'acteur qui a interprété le rôle de Roxane, M. Schôtchô, lui a naturellement prêté quelque peu de la sentimentalité de la femme japonaise tout en laissant deviner la silhouette émouvante de la fiancée de Christian (Ichikawa Sumiô). Sadanji dans le rôle de Cyrano, a su retrouver les traits du grand Coquelin qu'il avait vu naguère à Paris. Il a su notamment mettre en relief l'élément chevaleresque et l'esprit de sacrifice qui sont peut-être, dans la pièce, ce qui retient le plus l'attention du public des deux pays et parle le mieux à son tempérament.
L'ambassade de France avait, comme l'a annoncé un télégramme Havas, donné son patronage à cette manifestation, et la comtesse de Martel avait tenu à suivre elle-même les répétitions, ne ménageant pas les conseils et les suggestions. Le prince de sang et la princesse Asaka ainsi que la princesse Li de Corée ont assisté à la première représentation, de même que le corps diplomatique et les nombreux amis que la France compte à Tokyo.
A l'issue de la représentation, l'ambassadeur de France, comte de Martel, n'a pas manqué de féliciter chaudement les principaux interprètes de la pièce.
Cette manifestation qui a été un grand succès (la salle est comble chaque soir) est un nouveau témoignage de l'intérêt croissant que le Japon porte aux choses et aux idées de la France.
L'Illustration, 14 mars 1931
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FRANCE
Publié le 01 / 05 / 2005.
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