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D'Assoucy m'attend au cabaret...

Acte I scène 2

Dans quel autre lieu d'Assoucy pourrait-il bien attendre son copain Lignières sinon dans un cabaret ? L'empereur du burlesque a autant rêvé sa vie qu'il l'a vécut, enfin, quand il n'était pas au cachot pour grivèlerie, dettes de jeu ou propos outrageants...


Charles Coypeau       dit d'Assoucy     (1605-1677)

Charles Coypeau dit d'Assoucy (1605-1677)
A l'acte III, quand Cyrano rencontre Roxane sur une petite place, il est accompagné de deux musiciens. Qu'est-ce donc que ces deux virtuoses ? lui demande-t-elle. C'est un pari que j'ai gagné sur d'Assoucy. C'est tout à fait plausible car Charles Coypeau, dit d'Assoucy, qui se définissait lui même comme L'empereur du Burlesque avait en effet pour coutume d'être toujours accompagné de deux pages de musiques chargés de prêter la fraîcheur de leur voix aux airs que leur maître composait.



En cette année 1640, on peut donc estimer que Savinien est bien ami avec d'Assoucy ? amis très intimes parait-il, mais... cela ne nous regarde pas... Il n'en est pas moins vrai qu'en 1653, c'est la grosse fâcherie entre les deux poètes libertins. D'Assoucy raconte une anecdote qui pourrait être à l'origine de la dispute : les deux anciens amis se seraient brouillés au sujet d'un chapon qu'ils voulaient manger l'un et l'autre, et dont l'appétit de Savinien l'aurait privé... Que cette raison soit la bonne, ou simplement la goutte qui fait déborder le pichet de la concurrence entre deux écrivains pauvres, voilà Savinien qui écrit à un certain Soucidas, nom dans lequel il est facile de reconnaître l'anagramme de d'Assoussy : Eh ! par la mort, Monsieur le Coquin, je trouve que vous êtes bien impudent de demeurer en vie, après m'avoir offensé ! Vous qui ne tenez de rien au monde ou qui n'êtes au plus qu'un clou aux fesses de la nature ; vous qui tomberez si bas, si je cesse de vous soutenir, qu'une puce, en léchant la terre, ne vous distinguera pas du pavé.(...) Je suis inexorable, je veux que vous mourriez tout présentement ; puis, selon que ma belle humeur me rendra miséricordieux, je vous ressusciterai pour lire ma Lettre.... Le tout est du même acabit chaleureux !



D'Assoucy ne se laisse pas faire. Il réplique dans un récit destiné à ridiculiser Savinien et qu'il intitule :

Combat de Cyrano de Bergerac

avec le singe de Brioché

au bout du Pont-Neuf




Il commence par dresser le portrait de Savinien :

Cyrano n'était ni de la nature des Lapons, ni de celle des géants. Sa tête paraissait presque veuve de cheveux ; on les eut comptés à dix pas. Des yeux se perdaient sous ses sourcils ; son nez, large par sa tige et recourbé, représentait celui de ces babillards jaunes et vertes (perroquets) qu'on rapporte de l'Amérique. Ses jambes, brouillées avec sa chair, figuraient des fuseaux. Son ésophage pagotait un peu. Son estomac était une copie de la bedaine ésopique. Il n'est pas vrai que notre auteur fût malpropre ; mais il est vrai que ses souliers aimaient fort madame la boue ; il ne se quittaient presque point.



Poursuivant son récit, d'Assoucy raconte comment, croisant la troupe de bateleurs de Brioché sur le Pont-Neuf, laquelle comptait parmi ses membres un singe, Savinien se voit contraint de tirer son épée :

A l'aspect de la figure de Bergerac, la troupe la troupe à couleurs, la foule des laquais qui composait le public de Brioché, éclata de rire sardoniquement ; un de la bande fit faire le moulinet au feutre de l'auteur ; un autre gaillard, en lui appuyant une chiquenaude au beau milieu de la face, s'écria : « Est-ce là votre nez de tous les jours ? Quel diable de nez ! Prenez donc la peine de reculer, il m'empêche de voir ! » Notre nasardé mit flamberge au vent contre vingt ou trente agresseurs...

Le singe de Brioché, farci d'une ardeur guénonique, lorgnant notre guerrier le fer à la main, se présenta pour lui allonger une botte de quatre. Bergerac, dans l'agitation où il se trouvait, crut que le singe était un laquais et l'embrocha tout vif ».




Il y eut procès, Brioché n'ayant pas du tout apprécié de se voir privé d'une de ses meilleures attractions.



Edmond Rostand ne fait aucune allusion à cet épisode de la vie de Savinien. Il est vrai que le combat de la Porte de Nesles est plus glorieux pour l'image de Cyrano !





Et voici la version romanesque, imaginée par Ch. Quinel et A. de Montgon.



Nous nous trouvons, un vendredi dans l'après-midi, au rez-de-chaussée de l'hôtel d'Orléans-Longueville, tout près du vieux Louvre, où Mlle de Longueville tient bureau d'esprit. Monsieur d'Assoucy est présentement en train de lire à la compagnie un morceau de sa façon où il met proprement en pièces M. de Cyrano :

« Est-il nécessaire, lisait-il, de faire une description du sire de Bergerac ? Vous l'aurez tous reconnu ; son oesophage pagote un peu, son estomac pointu annonce son approche, ses yeux se perdent sous ces sourcils, son nez... mais saurait-on décrire so nez ? Large par sa tige et recourbé du bout, il représente celui de ces babillard jaunes et verts qu'on apporte de l'Amérique. »

- « Est-il besoin de décrire l'esprit du sieur Dassoucy ? criait une voix en laquelle tout le monde reconnut Cyrano. D'abord, comment décrire ce qui n'est pas, définir le vide, comment peindre le vent ? Que je sois l'homme le plus laid des royaumes de France et de Navarre, j'en veux bien convenir, mais que vous e soyez le plus sot, c'est ce que tout le monde reconnaîtra et vous-même le premier. L'offense que j'ai ressentie a été une offense publique, publique également doit donc être la réparation. Je veux bien faire grâce à Dassoucy de la vie, s'il accepte, ici même, de me rendre raison sur le terrain des lettres. ce sera un combat d'une espèce nouvelle et qui, jusqu'à ce jour, n'a jamais été tenté. Devant les juges qu'il désignera lui-même, je veux qu'il lise un chapitre à son gré, de sa composition ou improvisé par lui ; la lecture ou le discours ne devra pas excéder der une de mi-heure. Je ferai ensuite de même. Celui des deux qui aura le premier endormi le jury sera proclamé l'homme le plus bête de France ».

Faut-il préciser que bien vite, au discours de Dassoucy, et bien qu'ils fussent ses amis, les trois jugent s'endormirent profondément, mas qu'ils restèrent bien éveillés et bien conscients pendant toute la déclamation de Cyrano qui pu conclure, après que sa victoire eut été constatée :

« Le sieur Dassoucy est le plus méchant poète du royaume et l'homme le plus bête qui se trouve à Paris et dans nos provinces ».

Un éclat de rire général lui répondit et l'on chercha des yeux Dassoucy, mais celui-ci avait disparu.





D'Assoucy se fâche aussi avec Molière

La musique de d'Assoucy fut souvent appréciée et, désirant écrire une musique de scène pour Molière avec lequel il eut une querelle - mais avec qui n'en eut-il pas ? et qui semble réticent, il lui écrit : Puisque vous ayant offert, et vous offrant encore par cette Lettre, de faire votre musique purement pour mon plaisir (...) vous ne sauriez me manquer de parole, sans faire éclater à la vue de tout le monde une aversion d'autant plus injuste que ceux qui lisent mes ouvrages savent très bien que vous n'avez pas de plus grand estimateur, ni de meilleur ami que moi...



Mais Molière restera sourd à la supplique, et c'est à Charpentier qu'il confiera l'écriture de la musique du Malade imaginaire, une sorte de préfiguration des opérettes ou des comédies musicales.



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Publié le 21 / 03 / 2005.


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