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Sonnets de Monsieur Benserade...
Acte II scène 5
Madame Ragueneau, la malheureuse, se sert des livres vénérés des amis poètes de son mari Pour en faire des sacs à mettre des croquantes. Sacrilège !
Visiteur assidu de l'hôtel de Rambouillet, amoureux des belles dames et quelques fois intéressé, il était d'ailleurs secouru par quelques dames riches et libérales Benserade écrivait des vers qui ne sont pas bien tournés, mais ils sont si pleins d'esprit et ont un air si galant qu'ils l'emportent au-dessus de tous les autres.
Bon. Voici deux sonnets de monsieur de Benserade :
Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Duquel on ne saurait estimer la valeur ;
S'il vous vient quelque ennui, maladie ou douleur,
Il vous rendra soudain à votre aise et bien saine.
Il n'est mal d'estomac, colique ni migraine
Qu'il ne puisse guérir, mais sur tout il a l'heur
Que contre l'accident de la pâle couleur
Il porte avecque soi la drogue souveraine.
Une dame le vit dans ma main, l'autre jour
Qui me dit que c'était un perroquet d'amour,
Et dès lors m'en offrit bon nombre de monnoie
Des autres perroquets il diffère pourtant :
Car eux fuient la cage, et lui, il l'aime tant
Qu'il n'y est jamais mis qu'il n'en pleure de joie.
Sur une coquette
Une foule d'amants, que chez vous on tolère,
De vos facilités cherche à s'avantager ;
La patience même en serait en colère,
Etes-vous un butin qu'il faille partager ?
N'avez-vous rien à craindre, et rien à ménager ?
Quoi ! tous également attendent leur salaire
Avez-vous résolu de me faire enrager
A force de vouloir éternellement plaire ?
Enfin, si je suis las de ce que cent rivaux
Se disputent le prix qu'on doit à mes travaux,
Vous devez l'être aussi de ce qu'on en caquette
Votre honneur est en proie aux escrocs, aux filous
Et si vous excellez en l'art d'être coquette,
Je n'excelle pas moins en l'art d'être jaloux.
Mais le nom de Benserade reste surtout attaché à la célèbre querelle qui portait sur un autre de ses... sonnets.
Isaac de Benserade (1613-1691) est en effet connu aujourd'hui pour avoir été au milieu du XVII° siècle l'un des centres d'intérêt de la Préciosité. Ou plutôt ses poèmes. Et plus exactement un seul poème, un sonnet, 14 vers donc, qui lui assurent son renom dans les anthologies littéraires. Car ce sonnet en octosyllabes, écrit en 1649, trouva rapidement des admirateurs? admiratifs ! Ils furent appelés les Jobelins parce que le poème était intitulé « Job ». Mais en réaction ? peut-être aussi à cause d'une certaine rivalité personnelle ? ? d'autres lui préférèrent un sonnet en alexandrins intitulé « A Uranie » écrit par Vincent Voiture, qui, avant de mourir l'année précédente (en 1648) avait été l'un des esprits les plus appréciés du Salon de Madame de Rambouillet.
Les habitués du Salon de Madame de Rambouillet se divisèrent en deux camps. Les Uranistes se rangèrent derrière Madame de Longueville et Voiture, les Jobelins derrière son frère, le prince de Conti, et Benserade.
Deux années durant, cette querelle des sonnets se poursuivit et s'élargit vite à toute la Cour, et à toute la ville. De nombreuses pages furent écrites, de nombreux vers, qui prenaient violemment partie pour l'un ou l'autre, soit par une défense acharnée, soit, plus fréquemment, par des critiques et des attaques sévères ou ironiques.
Guez de Balzac consacra une dissertation de 20 (!) pages sur le sujet.
Benserade finit par l'emporter.
Sonnet d'Uranie
Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie :
L'absence ni le temps ne m'en sauraient guérir,
Et je ne vois plus rien qui me pût secourir,
Ni qui sût rappeler ma liberté bannie.
Dès longtemps je connais sa rigueur infinie ;
Mais pensant aux beautés pour qui je dois périr,
Je bénis mon martyre et, content de mourir,
Je n'ose murmurer contre sa tyrannie.
Quelquefois ma raison, par de faibles discours,
M'invité à la révolte et me promets secours.
Mais lorsqu'à mon besoin je me veux servir d'elle,
Après beaucoup de peine et d'efforts impuissants,
Elle dit qu'Uranie est seule aimable et belle,
Et m'y rengage plus que ne font tous mes sens.
Vincent Voiture (mort en 1648)
Job (1649)
Job, de mille tourments atteint,
Vous rendra sa douleur connue,
Et raisonnablement il craint
Que vous n'en soyez point émue.
Vous verrez sa misère nue ;
Il s'est lui-même ici dépeint.
Accoutumez-vous à la vue
D'un homme qui souffre et se plaint.
Bien qu'il eût d'extrêmes souffrances,
On voit aller des patiences
Plus loin que la sienne n'alla.
Il souffrit des maux incroyables,
Il s'en plaignit, il en parla :
J'en connais de plus misérables.
Isaac de Benserade
Un arbitrage parmi des centaines d'autres :
Deux sonnets partagent la ville,
Deux sonnets partagent la cour,
Et semblent vouloir à leur tour
Rallumer la guerre civile.
Le plus sot et le plus habile
En mettant leur avis au jour,
Et ce qu'on a pour eux d'amour
A plus d'un échauffe la bile.
Chacun en parle hautement
Suivant son petit jugement,
Et, s'il y faut mêler le nôtre,
L'un est sans doute mieux rêvé,
Mieux conduit et mieux achevé ;
Mais je voudrais avoir fait l'autre.
Corneille
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» Isaac de Benserade (1612-1691)
» Oeuvres
Publié le 04 / 04 / 2005.
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