« Ce 11 février 1964, c'est la 418è représentation de Cyrano de Bergerac à la Comédie Française dans une nouvelle mise en scène de Jacques Charon, tellement somptueuse qu'il a fallu augmenter le prix des places, ce qui a fait scandale. C'est un triomphe : quarante et un rappels le soir de la première représentation ».
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Mise en scène de Jacques Charron.
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Les plus grands auteurs sont là ... André Malraux s'exclame : Cyrano, c'est le frère de Carmen ! et François Mauriac écrit : Ce qui m'est apparu, peut-être grâce à Jean Piat, c'est que Cyrano n'a duré que parce qu'il est vrai, je veux dire ressemblant à une part de nous-mêmes. De son côté, le critique de la revue Noir et Blanc affirme : Cyrano a une admirable Roxane : Geneviève Casile. Edmond Rostand eût été ravi et, l'autre soir, au Théâtre Français, c'était toujours Rostand qu'on applaudissait.
Jean Piat, raconte : Combien de fois, jouant Cyrano, j'entendais les répliques de chute arriver avant moi. Il y avait toujours, au deuxième ou au troisième rang, un grand-père qui voulait absolument montrer à son petit fils que sa mémoire fonctionnait encore très bien.
Moi : - Ne pas monter bien haut, peut-être...
Le grand-père : - ... mais tout seul !
Je n'avais pas encore eu le temps de le dire (Les plumes des paons, Plon 1980.
Pour sa mise en scène, Jacques Charron noircira cinq cahiers de cinquante pages pour préciser le moindre détail de sa mise en scène. Tout est noté ; ainsi, comme le note Fanny Deschamps, les hasars de la guerre : Siège d'Arras. Chevaux de Roxane. Crottin probable.
« Morbleu ! quand chez Molière on reçoit Monsieur de Bergerac, on ripaille !
Au II, le marmiton foisonne. Au IV, les coussins sont remplis d'ortolans, chaque lanterne du carosse est un petit garde-manger. L'alexandrin même se fait comestible et roule jusqu'au fond des c?urs avec une moelleuse facilité, comme, blondines,les tartelettes amandines. Au III, le vers fond, file comme un sirop de lune tout le long du jasmin de Roxane mais au camp d'Arras, sonore, la rime rebondit sous la mitraille, les voix s'envolent, le fifre siffle, le canon claque, les mousquets crachent, les bottes sonnent... Le panache passe !
Fanny Deschamps, dans Elle, numéro 947 du 14 février 1964