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Sur scènes et sur écrans

1997 - Pierre Santini

Paris et tournées

Un Cyrano très original ; la mise en scène s'appuie sur la tradition de la Commedia dell'arte où le verbe est haut et un peu forcé et où l'imaginaire du spectateur est mis à contribution.... la lune est omniprésente dans la nuit sombre... Peu de décors, ceux-ci descendent du ciel... un bac, une table, un balcon, la lune... tout est suggéré de la grouillante et vivante boutique de Ragueneau à la calme retraite de Roxane.


Mais qu'allait-elle faire dans cette galère?

« Comment ne pas à un moment donné rendre sienne cette phrase de Cyrano de Bergerac. Cet ouvrage m'aura offert bien des choses, hormis les tracas de toute production.

La première, connaître mieux Pierre Santini et tous ses paradoxes. Je suis heureuse que ma ténacité ait permis à cet acteur que je considère comme un Grand, de pouvoir réaliser son désir profond d'être Cyrano.

La deuxième, la rencontre de quelqu'un que je crois fidèle, mon producteur exécutif : Christian Amiable, fou, violent, tendre.

La troisième, Vittorio Rossi grâce à qui ma vision de ce que je souhaitais pour ce Cyrano s'est réalisée. Grand Homme de Théâtre, professionnel exceptionnel, c'est lui qui a dirigé mes pas vers la production de Pino Micol. Rencontré au cours d'un festival, nos chemins ont depuis lors fait route commune.

Dans toutes mes actions artistiques, j'ai toujours aidé de jeunes talents. Magalie Houth (Roxane) et Benoît du Pac (Christian) seront les découvertes de cette création et j'en suis fière. Tous les comédiens de cette distribution contribuent à l'entité de notre Cyrano et je leur en sais gré. Merci à tous les collaborateurs, qui ont subi mes humeurs, mais si je n'avais pas ces extrêmes, cette production n'aurait pas vu le jour. Alors que chacun prenne une rame et voguons tous ensemble. »Claudie Jacquelin, productrice.





Un nez, une Lune, un Acteur

« Après environ 600 représentations, on m'a demandé de prolonger une longue relation avec Cyrano et de fondre mon âme de spadassin avec celle de Pierre Santini. J'ai répondu à moi-même d'abord, puis à mes amis français, qu'il est quasiment impossible de faire au théâtre ce qu'on peut faire avec beaucoup plus de succès dans un ?bloc opératoire? ; j'ai néanmoins accepté volontiers d'assister, à la lumière de ma longue expérience, à la naissance du Cyrano de Santini, avec dévouement et amour.

Le vrai résultat se vérifiera avec les représentations et le public mais déjà, je vois avec tendresse et stupéfaction évoluer sur la scène quelqu'un qui me ressemble et qui m'est, pourtant,, totalement étranger.

Je cherche à épier chez Pierre, ce qu'ont été mes émotions, mes colères, mon ironie, et je vois et découvre un personnage nouveau, des solutions différentes aux problèmes que moi-même j'avais connu ; l'échelle des valeurs n'est pas la même pour tous : des fois il me semble nécessaire d'étudier certains passages du texte et leurs interprétations, comme si je les affrontais pour la première fois, et je m'emballe. d'autre fois, je suis contrarié de voir disparaître une de mes intentions, un de mes gestes, une de mes pensées.

mais en fait, rien de tout cela. C'est seulement le théâtre qui dicte ses lois ; c'est la seule forme d'art qui ne peut vivre que dans un seul lieu, celui où l'officiant, c'est-à-dire l'acteur, vit, pense et aime ; et l'acteur se tourne vers son public, sans intermédiaire, mais avec les armes et les nuances que tout le monde connaît, différentes de nations à nations, de ville à ville, peut-être même de groupe à groupe.

Et c'est ainsi qu'est arrivée spontanément et avec joie, la découverte très simple qu'il suffit d'une communion d'intentions pour que les différences de langues disparaissent et avec elles, les différences d'expressions ; et c'est ainsi qu'on se reconnaît, même dans la diversité, si on parle honnêtement de poésie et d'amour, de colère contre le pouvoir et contre la bêtise, d'abandon et de lune.

Vieux sentiments, concepts romantiques, phrases dépassées ? Peut-être mais... on le sait.

Je vous demande pardon... nous ne faisons que du théâtre ! » Pino Micol, metteur en scène.





La fleur rouge, comme un insigne sur le c?ur

« Un retour désiré, concocté, décidé au bord de la mer des Caraïbes en juin 95, puis rendu possible, organisé, programmé grâce à l'acharnement, à l'enthousiasme volontariste et aux prouesses efficaces de Claudie Jacquelin, ma complice à Caracas.

Cyrano Savinien Hercule, tu vas bientôt avoir cent ans : à en juger par les passions que tu continues à susciter, tu es encore bien jeune ; mais c'est un âge qui a du sens et qu'on ne peut laisser passer sous silence : je crois savoir que nous serons quelques uns à fêter haut et fort et avec amour ton centenaire.

Depuis ce 28 décembre 1897 où Monsieur de Bergerac vit le jour sur les planches du Théâtre de la Porte Saint-Martin, combien de comédiens l'ont espéré, incarné, perpétué.

Il m'a été donné d'en admirer quelques uns : Jean Martinelli à qui je dois ma première grande émotion de théâtre, Paul-Emile Deiber, Daniel Sorano, Bernard Noël, Gino Cervi, Pierre Dux, Jean Piat... Il faudrait les citer tous.

Jusqu'au jour où, à mon tour, j'ai eu la joie de relever le défi que j'avais lancé à mes parents le soir du Cyrano de Martinelli (j'avais douze ans et j'avais solennellement déclaré : ?Je serai acteur et je jouerai Cyrano?) et de m'inscrire dans la longue liste des interprètes en remplaçant l'excellent Jacques Weber.

Plusieurs mois, dans la superbe fresque luxuriante de Savary, j'ai connu le rare et vivifiant plaisir de me faufiler sous le pourpoint de buffle, de fixer sur mon appendice nasal (déjà conséquent), l'oblongue capsule qui vous fait respirer des étoiles, de brailler ces dodécasyllabiques élucubrations (de bazar pour certains, de génie pour d'autres), qui vous conduisent si aisément du rire aux larmes, de l'amour à la mort... et avec quel panache !

Je ne pouvais en rester là car j'ai toujours gardé depuis mon premier rendez-vous de Mogador, la sensation d'un parcours à terminer, avec un Cyrano plein la tête et le c?ur, à revisiter : enrichi de l'expérience, il sera celui de la révolte et du combat contre la bêtise, la fatuité, l'hypocrisie, les privilèges et l'injustice, celui de la tendresse, de l'abnégation, de la lucidité, du courage, d l'imagination et de cette vibration intense et permanente qui fait la trempe des grands amants de la vie.

Claudie Jacquelin m'a alors convié à voir en Italie le Cyrano de Maurizio Scaparro et Pino Micol. Tout comme elle, je l'ai immédiatement adopté car il est au confluent des langages de théâtre dont je me sens le plus proche : celui de la Commedia dell'arte, celui de Molière, de Brecht, de Strehler : simple, pur, ludique, ardent, humain.

Il est ici toujours vêtu de noir, comme une tâche sombre perdue et éperdue dans un univers de camaïeux ocrés. La fleur rouge qu'il porte en permanence comme un insigne sur le c?ur inscrit un espace dialectique évident et irremplaçable entre passion et raison qui est la marque des grands personnages de théâtre. » Pierre Santini, comédien.







Critiques :

« Le plaisir du Cyrano vêtu de noir que nous offre Pierre Santini, dans une mise en scène de Pino Micol, est étourdissant. Toute emphase est bannie par la virtuosité du jeu du comédien. Les mots qui touchent et mouchent l'importun s'enchevêtrent comme s'ils allaient de soi. Comme s'il s'agissait d'inventions soudaines à l'emporte pièce, surgies du c?ur sans plastronner. Les bravades qui masquent la déchirure déchaînent le fou rire. Et puis, sans crier gare, les grandes orgues de l'émotion affluent.... Décor très simple et efficace. Un texte en entier respecté ou peu s'en faut. On a beau guetter chaque réplique et tout se réciter, on est pris et surpris. » Bernard Thomas, Le Canard Enchaîné.





« ... Du panache, ce spectacle fluide comme la plume des mousquetaires n'en manque pas. Autour de Pierre Santini, la troupe est remarquable d'homogénéité, chaque rôle est parfaitement distribué. » Midi-Libre..





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Publié le 05 / 05 / 2005.


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