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Coquelin, le 1er Cyrano

"Le Verger", poème d'Edmond Rostand

"Pour mon ami Coquelin et la Maison des Comédiens"

Ce poème est daté du 21 aril 1903, et figure dans une plaquette de deux feuilles seulement publiée en 1903 par la "Salle des Fêtes du Trocadéro" à l'occasion de la "Représentation de gala au bénéfice de la Maison de Retraite des Artistes dramatiques"


Le Verger



Quel est ce grand verger où le Cid se promène

Et se chauffe au soleil en chevrotant des vers ?

Où, moins impatient de la sottise humaine

Depuis qu'il voit blanchir le front de Célimène,

Alceste, à son habit, met des feuillages verts ?....

Quel est ce grand verger où le Cid se promène ?



Ses lointains sont dorés de gloire qui s'envole ;

Ses passants sont rasés comme de vieux marquis.

Quel est ce Parc, Théâtre, où ta grande âme folle

- Ta grande âme qui fait semblant d'être frivole !... -

Se mêle au souffle frais d'un paysage exquis,

Sous un ciel tout doré de gloire qui s'envole ?



Des vieilles qui n'ont l'air que d'être un peu grimées

Cueillent la fleur où luit l'insecte smaragdin.

Plus de sombre avenir ! de chambres enfumées !

Et de tous côtés c'est le côté Jardin !

Et l'on voit doucement marcher sous les ramées

Des vieilles qui n'ont l'air que d'être un peu grimées.



Un vieux châle est drapé d'un geste de princesse ;

La main de Hernani boutonne un vieux carrick ;

On se jette des noms à la tête, sans cesse :

L'un entendit Rachel et l'autre Frédérick !

Et, les arbres du bois devenant un public,

Un vieux châle est drapé d'un geste de princesse !



La tristesse s'en va comme un rideau qu'on lève.

Ah ! ne vous doit-on pas verser du rêve un peu,

Vous qui fûtes longtemps les échansons du rêve,

Et, charmeurs de nos soirs, quand votre soir s'achève,

Ne doit-on pas, pour vous, mettre la rampe au bleu ?...

La tristesse s'en va comme un rideau qu'on lève !



Quel est ce grand jardin plein de songe bleuâtre

Et de comédiens, comme un parc de Watteau ?

Où Mascarille, errant sans masque et sans couteau,

Croit remettre un instant sa cape de théâtre

Lorsque l'ombre des pins vient rayer son manteau ?...

Quel est ce grand jardin plein de songe bleuâtre ?



Quel est ce beau verger que protège un Molière,

Tout pensif de sentir l'amour profond du sol

Envelopper son marbre avec les bras du lierre,

Tout souriant de voir Elmire et Dona Sol

Causer, sous les berceaux, de façon familière ?

Quel est ce beau verger que protège un Molière ?...



Ah ! la treille au mouvant feston

N'est plus un décor adventice !

Le pâté n'est plus en carton

Qu'il faut que Gringoire engloutisse !

Le Malheur signe un armistice ;

Léandre devient châtelain ;

Scapin dort ; Buridan ratisse ;

C'est le verger de Coquelin.



Le Traître caresse un mouton ;

L'Amoureux, humant un calice,

N'a plus sa voix de mirliton,

Mais grade encor l'oeil en coulisse !

L'etoile voit avec délice

Celle du ciel crépusculin

Luire au miroir d'un onde lisse...

C'est le verger de Coquelin.



Don César porte un bon veston ;

Harpagon, guéri de son vice,

Redemande du miroton ;

Agnès rêve, un peu moins novice ;

Perdican pêche l'écrevisse ;

Quand Argan fait drelin, drelin,

Vite on accourt à son service...

C'est le verger de Coquelin.



ENVOI



Princes, Princesses, l'on vous tisse

Des soirs d'or clair et de fin lin,

Et le soleil n'est pas factice !...

C'est le verger de Coquelin !




Edmond Rostand



Sept sizains suivis d'une ballade (dont le refrain rappelle la ballade de Banville, sur un tout autre plan : "C'est le verger du roi Louis". Ce verger du roi Louis XI, c'est un jardin de pendus... (« Ballade des pendus », dans Gringoire, 1866)





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  Auteur

Ludovic Diamant-Berger

Ludovic Diamant-Berger



Publié le 28 / 02 / 2007.


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