Maurice Rostand parle de Cyrano
dans le programme du Français en 1941
Certaines phrases de ce texte du fils du poète prennent d'autant plus de relief quand on sait que le programme dans lequel elles sont publiées porte la date du dimanche 1er juin 1941. En matinée, c'est la 156è représentation depuis la reprise au Français, trois ans plus tôt.
Cyrano de Bergerac
en 1897 et en 1940
La répétition générale de Cyrano de Bergerac fut un triomphe et ma mère, dans son beau livre sur Edmond Rostand, l'a raconté mieux que je ne pouvais le faire. Ceux qui n'y ont pas assisté ne peuvent se douter de ce que fut le succès, de ce qu'il eut d'exceptionnel et d'incontesté ; d'acte en acte, l'enthousiasme s'accentuait, cet enthousiasme qu'on disait aboli ; ce fut certainement l'un des plus grands succès du théâtre, et tel qe pour retrouver son pareil, il faudrait parler du Cid et d'Hernani qu'aucun de nous n'a vu. Mais il y eut autre chose au soir de Cyrano ; cette émotion, ce je ne sais quoi de soulevé et de frémissant qui accueillait l'?uvre en étaient des preuves significatives ; Edmond Rostand donnait ce jour-là à son pays le baptême d'idéal qui lui serait nécessaire, et c'est pourquoi Cyrano de Bergerac est tout de même plus qu'une pièce de théâtre ; c'est une date de l'âme française.
C'est sans doute pourquoi l'?uvre a conservé cette jeunesse émouvante et cette fierté immortelle. Lorsque M. Edouard Bourdet l'inscrivit au répertoire de la Comédie Française, en 1938, elle s'y imposa comme si elle y avait été créée et comme si sa place l'y eut toujours attendue. Ne fallait-il pas qu'il y eut un théâtre où l'on pouvait toujours aller entendre Cyrano et y retrouver le puissant tonique qui anime l'?uvre toute entière ? En effet, Cyrano continue à vivre parmi nous, à nous exalter aux heures d'enthousiasme, à nous soutenir aux instants de découragement. Chaque fois qu'on a repris la célèbre pièce, l'esprit de son poète revenait mystérieusement s'exprimer et il semblait que, par une sorte d'intuition qu'ont seules les grandes ?uvres, chacune de ses reprises coïncida avec le besoin secret que chacun avait de l'entendre ! La reprise que M. Jacques Copeau a voulu faire aujourd'hui semblera particulièrement bienvenue. A aucun moment de notre histoire, nous n'avons eu plus besoin d'entendre la voix de Cyrano, ce qu'elle dispense de clarté et d'espérance. Jamais il n'a été plus nécessaire que la voix du héros si populaire, en parlant à l'âme de la France, lui répète ce qu'il y a d'impérissable en elle !
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Publié le 13 / 07 / 2005.
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